Du charme de l’ultra fashion
Plongée dans les travées de San Siro et Pier Luigi Penzo
L’édito de la semaine
Peut-on avoir du style et être footballeur ?
Si Jules Koundé est plus rassurant comme icône mode que lorsqu’il assure la couverture du couloir droit de l’EDF, la question n’en reste pas moins épineuse.
Passons sur les égéries. De Zidane à MBappé, elles sont finalement anecdotiques et rarement intéressantes : leur dimension marketing est facile. Il serait également aisé de tirer à bout portant sur ceux qui s’exposent en montres tapageuses et Bugatti Veyron et d’y voir la preuve que football et style font rarement bon ménage. N’oublions pas que la sensibilité aux esthétiques est souvent, avant tout, le fruit d’une construction sociale. Leurs manifestations de la réussite en disent peut-être moins sur eux que sur la façon dont notre société définit l’émancipation.
Quand on parle de style et de football chez Les Courbes, on pense en fait plutôt aux clubs et à leurs maillots mythiques. Par exemple celui aux stries noires et rouges du grand Milan des 2000’s, qui avait le parfum du Mister (de son vrai nom, Carlo Ancelotti), paraphe de la classe à l’italienne.
Et pourquoi quitter la botte, terre promise du design, lorsqu’on peut y admirer le travail du club de Venise sur ses maillots, résultat d’une collaboration fructueuse avec Kappa ?
Oui, le jersey de foot peut être une pièce iconique. Parce qu’il évoque quelque chose de populaire, des épopées, une nostalgie. Parce qu’il appartient au temps, et que le temps est au fondement de tout. Peut-être aussi, et c’est devenu si rare, parce qu’il sert le symbolisme d’un commun et d’un collectif (dont il est néanmoins peu contestable qu’il soit fantasmé).
Martine Rose, designer anglo-jamaïcaine, s’est-elle emparée de l’objet pour cette raison ? Si on la rencontre un jour, on lui posera la question.
En attendant, c’est évidemment Doudou qui va vous faire découvrir l’une de ses pièces dans son outfit de la semaine, qui sera, on vous le promet, plus classe qu’une cérémonie de clôture avec Rubiales à l’affiche.
Bon week-end, et allez les Bleus, qu’importe la gonfle.
L’outfit de la semaine x Doudou
Le maillot
C’est Kendrick Lamar qui m’a fait découvrir Martine Rose lors de la cérémonie des Grammy Awards de 2022. J’avais été bluffé par l’audace de sa tenue, qui mêlait habillé et street wear. Un combo pas évident à assumer mais qui a clairement un supplément d’âme lorsqu’il est bien négocié.
Je suis récemment retombé sur son travail à l’occasion de sa collaboration avec Nike, qu’elle a accompagné dans le cadre de la conception de l’uniforme de l’équipe de football féminine des Etats-Unis. La marque à la virgule n’est pas vraiment ma tasse de thé, mais la tenue des The Stars and Stripes est une franche réussite.
L’histoire d’amour entre le football et Martine Rose ne s’arrête pas là, puisqu’en fouillant un peu, j’ai découvert sur LA pièce parfaite : un maillot exclusif, conçu en partenariat avec Machine A. Un jersey de foot, c’est un éternel dans votre garde-robe : il ne se sort pas en toute occasion, mais c’est un élément fort qui peut clairement marquer un style.
Premier élément distinctif de ce maillot, sa bande jacquard. L'encolure resserrée crée une silhouette élégante et est à l’origine d’une deuxième particularité : son plissé intentionnel à l'avant. En résumé, un tombé lose mais qui incorpore une vraie construction sur la partie supérieure du buste, pour un mélange des genres audacieux mais pas fantaisiste. C’est un modèle plutôt pour femme, mais étant de corpulence très fine, je peux aisément mélanger les genres. Et je ne m’en prive pas.
Le jean
Il y a certaines marques qui résonnent profondément en moi lorsque je pense à ajouter une pièce à la quintessence de ma garde-robe. Auralee est sans aucun doute l'une d’entre elles.
Peut-être est-ce la palette de couleurs ou le ton distinctif qui les unit ? Je ne saurais le dire avec certitude, mais le magnétisme épuré de la marque nippone me rappelle les créations de Colin King.
Parmi leurs pépites, un jean a retenu mon attention. Le "hard twist denim 5P Pants" semble libérer une texture après lavage qui lui confère une élasticité naturelle. Le jean n’est pas une matière légère dans l’absolu mais je trouve quelque chose d’aérien à celui-ci. Son pli marqué à l’avant de la jambe prolonge la dynamique du jersey Martine Rose et permet une continuité dans la structure de la silhouette.
Les chaussures
Ne nous mentons pas : le combo est audacieux et tranché. Les chaussures vont constituter le point de bascule de cette tenue et lui donner sa tonalité finale.
Personnellement, j'ai grandi en détestant la Wallabee de Clarks, mais avec l’âge, j'ai complètement changé d'avis. Il y a eu un moment où on pouvait les voir partout dans les rues de Dakar, en particulier sur le marché noir que j'adore, à Colobane, situé non loin de la Médina.
Ces chaussures sont finalement devenues synonymes pour moi de confort et de style et je les associe parfois même à mes costumes pour briser leur monotonie. Cependant, dans ce contexte, elles jouent un tout autre rôle. Ce modèle en daim équilibre la tenue proposée, en lui apportant une touche de tranquillité. Un choix qui s’impose naturellement quand on sait que Clarks a une histoire particulière avec la Jamaïque, terre d’origine de Martine Rose.
L’oeuvre
Passionné par les parallèles avec l'art, si je devais décrire cette tenue, je ne la comparerais pas à un tableau, mais plutôt à un film. Dans le film "Inside" (2023) de Vasilis Katsoupis, Willem Dafoe incarne Nemo, le voleur d'art, qui tente de dérober une précieuse collection de peintures d'Egon Schiele chez un collectionneur. Cependant, il se retrouve piégé dans cette luxueuse maison intelligente… l’obligeant à de-structurer cet environnement qui se referme sur lui, afin d’en réchapper. Je vous laisse faire le lien avec l’outfit de la semaine !
Allez, à la semaine prochaine et profitez bien du week-end.
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