L’édito de la semaine
Dans la dernière édition, on parlait de Nietzsche. Et s’il y a une obsession quasi commune à tous les philosophes, c’est celle de l’état dit “naturel”.
Une quête qu’on retrouve dans Dead Man (le meilleur des Jarmusch, avec Ghost Dog, à notre sens). Filmé en noir et blanc par choix esthétique, ce road movie au parfum de western sorti en 1995 suit deux protagonistes : William Blake, comptable en fuite, et Nobody, un Native persuadé que le premier cité n’a rien d’un financier… mais est en réalité le fantôme du poète anglais homonyme.
Une itinérance qui voit William Blake plonger dans le monde sauvage, dont il découvre la dureté amorale, et en ce sens, la pureté. Au côté de Nobody, il fait ainsi l’expérience du retour à l’état naturel, embrassant un horizon qui comme lui, tente d’échapper à la folie inexorable et à la violence mortifère de l’homme blanc accompagné de sa révolution industrielle. Un chemin initiatique qui fait écho aux vers d’Auguries Innocence.
To see a world in a grain of sand
And a heaven in a wild flower,
Hold infinity in the palm of your hand
And eternity in an hour.
Sanji do Brasil, “Ce soir en ville” (c’est évidemment de William Blake, ne cliquez pas sauf si vous aimez vous faire du mal)
Si on vous parle de Dead Man, c’est que sa (géniale) BO est signée Neil Young. La star du rock country aux accents blues répétés est un indigné de première, un pacifiste avéré, un gros hater des compagnies pétrolières et un idéaliste souvent déçu - c’est de ce pléonasme que naissent bien des cynismes. Vous comprendrez qu’il ait notre affection.
Mais celui qui composa Revolution Blues des suites des crimes de Charles Manson, qu’il avait eu l’occasion de rencontrer avant qu’il ne dévisse pour de bon, est avant tout l’homme d’un accessoire : l’harmonica.
Neil Young sans harmonica, et c’est le classique Heart of Gold qui se retrouve orphelin de ce qui fait sa sève et lui donne sa dimension spleenesque. On y perdrait en force, en caractère, en évocation : c’est bien le son trainant de cette seconde voix qui incarne le plus sincèrement l’errance chantée. (Si vous êtes d’humeur plus romantique, vous pouvez toujours lancer Harvest Moon et faire danser votre moitié dessus. Y’a un côté bien kitsch mais ça la fera marrer.)
Un simple accessoire, ici l’harmonica, a donc le pouvoir d’assoir une création, voire, une personne. Il lui donne, d’une certaine façon, sa pleine identité et la révèle. Défini comme une pièce non indispensable, on dit de lui qu’il n'est pas essentiel. Pourtant, en son absence, tant de choses perdent de leur singularité, ce qui finalement peut défaire leur intérêt. Après tout, que serait Harry Potter sans baguette magique ? Chagall sans pinceau ? Depardieu sans pénis ? (Y’a un intrus).
Qu’il s’agisse d’un instrument, de nos corps ou d’ornement, l’accessoire incarne, il donne vie, il traduit. Il habille aussi. S’il est secondaire, c’est par le rang, et non par l’importance, qui sont deux choses distinctes. Sans lui, ni complétude, ni avènement.
Et c’est bien ce qu’Yves Saint Laurent avait compris :
« On ne dira jamais assez l'importance des accessoires. Ce sont eux qui transforment une robe. J'aime qu'une robe soit sobre et un accessoire fou. Les accessoires contribuent à donner au vêtement une cohérence d'ensemble, en même temps qu'ils en garantissent l'unicité. »

Alors puisqu’on ne saurait ignorer de si cruciaux détails, Doudou vous fait un zoom sur l’affaire cette semaine. Au programme, un haut de silhouette avec une veste, un sac, une montre.
Bon week-end !
L’outfit de la semaine x Doudou
Récemment, j’ai fini par regarder Saltburn, me laissant influencer par les réseaux sociaux, dont j'avais pourtant juré de me distancier en ce début d'année. Ce qui m’a interpelé, plus que les beuveries des étudiants d’Oxford, c’est le style de Jacob Elordi. La pré-sentie future incarnation de Tom Ford Beauty, selon Osama Chabbi, m’a clairement tapé dans l’oeil. Plus encore, j’ai été frappé par son talent dès lors qu’il s’agit d’accessoiriser. Ni une ni deux, j’ai décidé de vous proposer un haut de silhouette. Ni pantalon ni chaussures cette semaine, de toute façon le week-end approche et il fait un temps à boire du thé en caleçon. On commence par le sac !
Le Sac
Il y a quelque chose d’identitaire dans le choix d’un sac. Louis Vuitton l'a d’ailleurs compris avec le fameux sac à 1 million de Pharrell - qui ne se trouve être qu’un vulgaire instrument de promotion, à peu près aussi excitant qu’un sac Michaël Kors ou, osons-le dire, Chanel.
On a déjà parlé plusieurs fois de Matthew Blazy dans Les Courbes, qui est à la tête de Bottega Veneta et dont j’apprécie beaucoup le travail.
Sans surprise donc, ce fourre-tout petit format Intrecciato Reserve Leather m’a conquis. J’ai toujours eu un gros faible pour le tressé, en raison de l’histoire artisanale qui se cache derrière. Doté d'une poche zippée amovible à l'intérieur, il est composé à 100% de cuir de veau et confectionné dans l'atelier Montebello, situé dans la région de Veneto. Ce sac part d'une toile vierge qui sert de support aux différents procédés, jeux de couleurs, styles, tailles et techniques de construction. Il est d'autant plus attirant que son design a quelque chose d’intemporel et que le soin accordé à sa confection ainsi que les matériaux utilisés en font clairement un objet qui durera dans le temps.


La veste acid wash denim
Je suis un grand fan de Formule 1 et surtout un inconditionnel de Lewis Hamilton, qui est huit fois champion du monde de F1 (sept fois, mais les passionné.e.s comprendront ce que je veux dire). En dehors de sa discipline, dans un sport où chaque centième gagné représente des mois de développement technique, technologique et d’entraînement, Lewis a un style incomparable et aussi précis que son pilotage. Je pense notamment à cette veste qu'il portait en Italie.
Le denim délavé à l'acide est un autre style délavé, dont les pionniers sont Acne et Rick Owens. On en trouve une chez Jaded London, à un prix que l’on peut se permettre (actuellement soldée à 80€) et qui colorera notre sac Bottega Veneta d’un caractère nouveau. Il en reste quelques-uns sur le site et c’est un grand oui pour l’ajouter et marquer votre garde-robe.


La montre
Il fallait que je termine cette sélection assez spéciale avec quelque chose d'exceptionnel. Un essentiel pour tout homme est une montre. Je suis un fan des classiques et bien sûr, j'admire Cartier (mon rêve est d'avoir une Tank symétrique, mais pour l’heure mon compte en banque ne partage pas les mêmes desseins).
Cependant, pour cette newsletter, j'ai préféré m'inspirer de l'article de Cam Wolf sur les nouvelles marques les plus excitantes de 2023. Si mon coup de cœur est "The Shapeshifter" de la toute jeune marque Berneron, avec son design qui me rappelle l'emblématique Cartier Crash, une autre marque a retenu particulièrement mon attention.


Il s'agit d’Underføg et je suis persuadé d'acquérir un jour l'un de leurs modèles. Plusieurs atouts caractérisent cette marque : c’est avant tout une histoire (et donc une expertise) d'horloger. Les produits sont donc dotés d’un excellent mécanisme. Les modèles sont au prix unique de 850€.
Mais Underføg, c’est surtout un concept frappant : créer une montre sérieuse qui ne se prend pas trop au sérieux. Cette marque fonctionne en drops uniques, et je vous invite à vous inscrire sur leur liste d'attente et à suivre leur actualité pour recevoir la votre.

Allez, on vous dit à la semaine prochaine. Bon week-end !
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